La Griffe Noire

Cet album m'a valu plusieurs émotions mémorables.

Il me semble qu'on peut les symboliser par l'image suivante



Tout Jacques Martin est là, dans cette introduction somptueuse (et novatrice à son époque) : la précision historique, le dessin académique, le ton sérieux, le discours noble et l'ampleur du sujet.

Lorsque j'ai visité Pompéi quelques années après (c'était en 1970), j'ai ressenti très fort cette correspondance entre le livre et le site antique. J'avais l'impression de me promener dans l'album de Jacques Martin.

C'était la première fois que le réel semblait se confondre avec l'imaginaire. Je ne l'ai jamais oublié et, depuis ce moment, je suis devenu "alixophile".  

Il y a eu des sondages sur l'ancien forum pour savoir quelle est la plus belle couverture d'Alix. A mon avis celle de la Griffe Noire (dans sa réédition Casterman) pourrait mériter ce titre.



Au fait, comment font les collectionneurs d'e.o. dans le forum ? Je suppose qu'ils se doivent de posséder l'édition Lombard ainsi que la Casterman

Je me souviens que lisant la griffe noire étant enfant, j'avais été fort impressionné par la première scène quand l'homme à la griffe vient frapper sa première victime, et particulièrement par la vignette où l'on voit la victime se retourner dans son lit avec la légende suivante " au bruit, le dormeur se réveille ". Cette intrusion nocturne m'avait un peu effrayé et quand la nuit j'entendais du bruit dans ma chambre, je prenais garde à ne pas voir surgir le mystérieux inconnu à la griffe noire...

C'est vrai que certaines scènes sont impressionnantes, surtout dans la première partie qui se déroule à Pompéi. Cette silhouette masquée, armée d'une griffe venimeuse, apparemment invincible et vouée à la vengeance est une création formidable. Je me rappelle pour ma part de la terreur de Pétrone, le cinquième coupable, lorsqu'il voit s'approcher de lui la "griffe noire" sans pouvoir réagir. Cela m'avait beaucoup impressionné quand j'étais jeune.

Toute l'intrigue policière qui se déroule à Pompéi est une réussite totale. Par contre, la seconde moitié de l'histoire, qui se déroule en Afrique, me semble aujourd'hui moins marquante. Il y a de belles idées (les silhouettes humaines figées par la cendre) mais cette Afrique me semble très imaginaire.

C'est l'album d'Alix qui a le plus impressionné ma mère étant enfant et grâce à ce souvenir, elle me fit découvrir Alix ! POur ma part cela ne m'a pas fait peur ( à 8 ou 9 ans). Je suis d'accord sur la couverture, elle est sublime. On pressent le suspense rien qu'avec la couverture: J.Martin est maitre en matière de couverture, les siennes donnent vraiment envie d'ouvrir l'album/

Bon, je relance ma petite question à propos de la Griffe Noire

Je me suis demandé si Jacques Martin s'était inspiré aux mêmes sources qu'Hergé, ou si il y avait eu des réminiscences, lorsqu'il créé ce personnage masqué ? Je trouve que Nubio (le noir porteur de la Griffe Noire) a quelques points communs avec les hommes léopards de Tintin au Congo

Une petite image vaut parfois mieux qu'un long discours.

Hem ... mon image n'inspire pas grand monde .

Il me semble que cette société des "hommes léopards assassins" était très à la mode dans les années 30. Je me demande si cela a représenté un souvenir d'enfance pour Jacques Martin.

Pas de remarque ... vous ne lisez plus la Griffe Noire .

Une chose que j'ai aimé dans cet album, c'est qu'il n'y a pas de personnage que l'on peut considérer comme méchant. Même le mage Rafa peut être vu comme un vengeur )et un fanatique) plutôt qu'un scélérat. C'est unes des choses qui rend l'histoire presque crédible.

Par rapport à l'odyssée africaine, l'aventure doit probablement se passer quelque part dans le golfe de Guinée. On ne sait pas grand chose sur ce qu'il y avait dans cette région à l'époque d'Alix. Est-ce que quelqu'un a une idée ?

C'est vrai qu'il y a longtemps que je n'ai pas lu la griffe noire, j'ai relu ce matin la voix d'alix,
J. Martin y fait beaucoup référence au Congo Belge! quant à l'époque d'alix, j'avoue que je n' ai aucune idée de ce qu'il ci passait, mon ignorance est totale sur ce point!

A ma grande surprise, sur cette carte des aventures d'alix éditée par Casterman dans les années 80, la griffe noire est située en Espagne! ( erreur de l'éditeur?)

Raymond a écrit:
Il me semble que cette société des "hommes léopards assassins" était très à la mode dans les années 30. Je me demande si cela a représenté un souvenir d'enfance pour Jacques Martin.

D'autres auteurs seront aussi fascinés par les "hommes-léopards", par exemple Jean-Michel CHARLIER ou bien encore Hugo PRATT

jfty a écrit:A ma grande surprise, sur cette carte des aventures d'alix éditée par Casterman dans les années 80, la griffe noire est située en Espagne! ( erreur de l'éditeur?)

Même à l’époque d’Alix je suis sure que ça ce ne serait pas possible !

C'est vrai que j'aurais mieux vu la Griffe Noire à Pompéi, tout simplement.
Je pense qu'il ont mis cet album en Espagne pour des raisons bêtement techniques (dimension de la carte). Il aurait toutefois mieux valu le placer près des colonnes d'Hercule (=Gibraltar) puisque c'est par ce détroit que les bateaux se rendaient en Afrique.

En relisant Avec Alix (j'aurais peut-être dû commencer par là), je m'aperçois que Jacques Martin lui-même évoque ses sources à propos de la Griffe Noire.

Je le cite pour mémoire : La griffe qui donne son titre à l'album m'avait d'ailleurs été inspirée par les armes semblables que j'avais vues au Musée Royal de l'Afrique Centrale, à Tervueren, près de Bruxelles. Ces armes étaient utulisées par les hommes léopards Aniota, dont le costume avait été repris par Hergé dans Tintin au Congo.

Ben voilà ! il suffisait de relire à la bonne place !

A noter que l'on voit cette statue d'Aniota dans le livre récemment paru : Comment Hergé a créé Tintin au Congo. Je me demande d'ailleurs qui est le Jean-Loup de la Batelière qui signe ce dernier livre ?

Je me demande si ce Jean-Loup de la Batelière n'est pas un avatar du Jean-Loup de la Batellerie que l'on voit interviewer Bianca Castafiore et le capitaine Haddock dans "Les bijoux de la Castafiore", page 22, ou du moins un pseudonyme plus ou moins transparent ???

Raymond a écrit:

Par rapport à l'odyssée africaine, l'aventure doit probablement se passer quelque part dans le golfe de Guinée. On ne sait pas grand chose sur ce qu'il y avait dans cette région à l'époque d'Alix. Est-ce que quelqu'un a une idée ?

Les sources font évidemment défaut. Le premier royaume connu (celui du Ghana) s'est développé à partir du IVe siècle grâce aux échanges avec le Maghreb. On peut supposer qu'au temps d'Alix, il y avait tout un ensemble morcelé de cultures tribales évoluant au sein de la dense forêt équatoriale, mais pas "d''État" dans cette région de l'Afrique.

Jacques Martin ne suggère d'ailleurs pas l'existence d'un royaume africain. Il présente d'abord un "comptoir carthaginois sur la côte africaine de l'Atlantique" (est-ce que cela pouvait exister au temps des romains ?), puis des tribus assez primitives regroupées dans des vilages. Son Afrique est un monde équatorial avec un grand fleuve (le Congo ?) et une épaisse forêt qui abrite une faune abondante (gorilles ou serpents par exemple). Au temps d'Alix, il aurait fallu des mois pour s'y rendre.

Comme la séquence africaine nécessite un volcan, celui qui a pétrifié les hommes s'enfuyant ( page 51 ), le seul qui corresponde dans cette région est le Mont Cameroun, dont la situation est assez bien représentée sur la carte de la page 32. Ce volcan est toujours en activité, sa dernière éruption datant de 2000, et mesure 4 000 mètres. Dans l'histoire, il est nommé le Rukazori.
On sait que le navigateur carthaginois Hannon explora, au -VI° siècle, les côtes africaines de Guinée, c'est à dire la partie comprise entre le Sénégal et le Gabon ; son périple fit l'objet d'une relation dont il reste une traduction abrégée en grec. Il est possible que les Carthaginois aient conservé des comptoirs sur cette côte, mais il n'ont pas laissé de traces.
Cette histoire présente d'ailleurs deux volcans : le Vésuve au début et le Rukazori ; Jacques Martin doit bien aimer ces montagnes et donnera plus tard un grand rôle à l'une d'elle.

Les sources carthaginoises sont tellement lacunaires, qu'il est bien difficile de savoir ce qu'il en a été.

Il n'y a rien de bien établi concernant ce qu'on appelle le Périple d'Hannon, qui serait en fait un ensemble de tentatives d'exploration maritime des côtes occidentales de l'Afrique par Carthage. Certains contestent que la marine carthaginoise ait pu dépasser le cap Bojador, qui constitue un seuil technologique qui ne sera vaincu par la marine "chrétienne" qu'au XVe siècle.

Quoiqu'il en soit, que le cap Bojador ait été ou non dépassé, les difficultés de la navigation font que cela n'a probablement pas dépassé le cadre exploratoire. Sans doute pas de comptoirs donc, qui supposent des routes commerciales.

C'est vrai que la scène des hommes pétrifiés nécessite un volcan (que Jacques Martin évoque mais qu'il ne nous montre pas vraiment ). Je trouve par ailleurs que cette séquence est une des belles idées du livre.

Je ne me souvenais de cette image avec une carte mais tu as bien raison, Jacky-Charles. La deuxième partie du récit se déroule dans l'actuel Cameroun.

Un autre point fort de l'album, ce sont les personnages. en dehors des notables de Pompéi (victimes de la Griffe Noire), il y a le mage Rafa, l'archonte Niarcas ou le noir Servio. Le portrait de chacun d'entre eux est très précis, mais aucun n'est réapparu par la suite, à l'exception de Galva dans les Légions Perdues.

J'aurais bien aimé revoir Rafa (qui est un redoutable adversaire) dans le Spectre de Carthage par exemple.

Jacques Martin explique les sources de son album dans cette petite vidéo, que l'on trouve dans le site des enfants d'Alix.

Voilà ! Jacques Martin n'est plus, mais le forum continue. La meilleure preuve d'attachement que nous pouvons maintenant lui montrer, c'est de continuer à parler de son oeuvre.

J'ai déjà exprimé dans les posts qui précèdent la fascination qu'a pu exercer la Griffe Noire pendant ma jeunesse, et je ne vais pas le répéter à nouveau.

Jacky-Charles nous a préparé une analyse de la Griffe Noire, et j'attends avec intérêt de lire ce texte. Il y aura sûrement matière à de beaux débats.

Raymond a écrit:Voilà ! Jacques Martin n'est plus, mais le forum continue. La meilleure preuve d'attachement que nous pouvons maintenant lui montrer, c'est de continuer à parler de son oeuvre.
J'ai déjà exprimé dans les posts qui précèdent la fascination qu'a pu exercer la Griffe Noire pendant ma jeunesse, et je ne vais pas le répéter à nouveau.

Jacky-Charles nous a préparé une analyse de la Griffe Noire, et j'attends avec intérêt de lire ce texte. Il y aura sûrement matière à de beaux débats.

Je suis complètement d’accord avec toi