L'homme-oiseau

Le colonel Jorgen aurait repris du service côté soviétique que je n'en serais pas étonné !

J'ajouterai que cette péripétie permet à l'album d'atteindre ce double moment de haute poésie où Gagarine dont Lefranc ignore le nom offre son chronographe à ce dernier qui ne découvrira que deux ans plus tard l'identité du mystérieux cosmonaute lors de la réussite du premier vol spatial habité officiellement référencé comme tel.

C'est une magnifique idée narrative qui porte à rêver longuement et donne à cet album une vibration à mon goût toute particulière, une sorte de charme supplémentaire d'une grande beauté.

C'est aussi une des raisons, cher Raymond pour lesquelles j'ai été si séduit par cet Homme oiseau, ce qui t'explique ma différence de lecture par rapport à la tienne, notamment le fait que, contrairement à toi, je ne regrette pas que cet album n'ait pas donné lieu à une aventure archéologique.

J'ai aussi beaucoup aimé la façon dont est traité le thème du pillage : celui de la culture traditionnelle de l'île de Pâques par les occidentaux, et notamment, selon ce que disent certains personnages par Thor Heyerdal - dont je crois d'ailleurs que l'avis plus que mitigé donné à son sujet par Lefranc indique clairement que le projet de l'album ne sera pas de nous reposer une aventure archéologique et assume sans détours ce choix - mais aussi le pillage technologique et scientifique qui justifie narrativement l'irruption d'Alpha Vostok sur l'île.

Dans ce contexte, le don du chronographe apparaît comme un geste gratuit d'humanité au-delà de toute idéologie, entre deux individus qui en savent rien l'un de l'autre, et c'est ce qui en fait aussi la beauté et la poésie. La planche lumineuse et sereine qui présente ce moment mérite d'être contemplée attentivement, (surtout sa moitié inférieure) tant elle symbolise vers la fin de cet album souvent nocturne et tourmenté un pur moment de grâce auquel s'opposera la vision du visage ensanglanté de Borg échouant sur le sable, véritable métaphore de la violence absolue que ce personnage apporte au récit.

Ah, peut-être l'indépendance du Maroc (& roll) ?