Mes daubes

Selon le Petit Robert, la daube est simplement une "manière de faire cuire certaines viandes à l'étouffée". Le bœuf en daube est par exemple une recette traditionnelle qui n'est pas désagréable à manger, à condition bien sûr de ne pas en avoir tous les jours. C'est de la cuisine tout à fait estimable.

Pour un amateur de BD, ce mot prend un sens un peu plus négatif. La daube désigne ainsi une œuvre qui n'est pas mauvaise en soi, mais qui a peu de qualités positives. Elle désigne en fait assez souvent une BD un peu anodine et inodore, sans originalité et généralement sans grand intérêt. Les BD commerciales sont biee souvent des daubes, mais pas nécessairement. Les BD d'auteurs (et certains soi-disant chefs d'œuvre) peuvent aussi être des daubes innommables.  

En tant que gros collectionneur de BD, qui possède des milliers d'albums et de revues, j'ai accumulé bien sûr un nombre impressionnant de daubes au cours de ma carrière. Bien souvent, je les apprécie quand même, pour des tas de raisons diverses, et il existe donc de nombreuses nuances lorsque l'on utilise le terme de "daube". Je vais essayer de les passer un peu toutes en revue dans ce modeste sujet.  

A part cela, depuis quelques mois, mon épouse m'a interdit d'installer une nouvelle bibliothèque supplémentaire dans notre villa et mon regard sur les daubes est devenu un peu différent. Si je veux acheter de nouveaux albums, il faut d'abord se débarrasser d'anciens livres sans intérêt et je dois donc souvent réfléchir à ce que je n'aime vraiment pas. Pendant longtemps, les daubes aboutissaient au grenier où elles étaient bien souvent oubliées. Maintenant, je dois monter au grenier pour choisir ce que je mets au débarras et ... cela devient parfois un dilemme.

Est-ce que je posséderai à la longue moins de daubes, en me débarrassant des albums les plus insignifiants ? Ce n'est pas sûr, car les nouveaux albums sont un peu comme ceux d'il y a 30 ou 40 ans. Ils nous piègent bien souvent grâce à leur apparence soignée et aussi au battage publicitaire qui les entoure. Ce n'est parfois qu'à la longue que l'on réalise avoir acheté une daube.  

Voilà, il y a probablement beaucoup à dire ce sujet et j'espère que vous aurez la gentillesse d'y participer. Je ne suis probablement pas le seul à posséder un certain nombre de daubes dans ma bibliothèque et il y aura je l'espère beaucoup d'arguments à débattre sur ce sujet.

Commençons donc avec une daube tout à fait banale, une série que l'on pourrait qualifier de daube ordinaire !

J'ai ainsi acheté plusieurs albums de Tristan à une époque où je me contentais souvent de BD d'occasion. Pendant les années 80 et 90, j'avais un budget BD extrêmement réduit et l'achat d'albums neufs était pour moi un investissement lourd. Quand on bon titre sortait, j'attendais souvent deux ou trois ans avec l'espoir de pouvoir l'acheter en occasion. Mais bien souvent, le marché des occasions ne proposait hélas que de la daube. Je m'arrangeais donc avec mes limites financières, en achetant des albums que se rapprochaient le plus possible de mes sphères d'intérêt. Comme Tristan était une BD médiévale, l'acquisition d'un de ses albums me contentait plus ou moins.



Quand on regarde ces albums superficiellement, les couvertures sont au fond plutôt réussies et les dessins apparaissent tout à fait corrects. Il faut vraiment lire ces BD pour se rendre compte qu'elles n'ont en fait pas grand intérêt.



Je ne rentrerai pas trop dans les détails sur tout ce qui ne m'a pas plu, car une critique détaillée n'a dans le fond aucun intérêt. Je dirai seulement que c'est une des séries qui m'a appris qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Elle parait au départ assez sage et professionnelle, mais les récits sont en fait peu consistants et décevants. Ils font un peu penser aux histoires de Jugurtha pendant la période Frantz, mais en beaucoup moins bien maîtrisé.

Ce sont certainement des albums dont je n'aurai pas de peine à me séparer.  

Raymond a écrit:A part cela, depuis quelques mois, mon épouse m'a interdit d'installer une nouvelle bibliothèque supplémentaire dans notre villa et mon regard sur les daubes est devenu un peu différent. Si je veux acheter de nouveaux albums, il faut d'abord se débarrasser d'anciens livres sans intérêt et je dois donc souvent réfléchir à ce que je n'aime vraiment pas.

Ah, ces épouses impitoyables avec les pauvres bibliophiles !

Heureux propriétaire de milliers de livres et quelques centaines de BD, je compatis—ma propre épouse étant mystérieusement imperméable à la beauté d'un appartement regorgeant de bibliothèques. Désormais arrivé à la limite des "capacités installées", je remanie et jongle entre les réorganisations d'étagères, la mise en carton sélective, l'empilement sauvage plus ou moins discret et le camouflage dans les recoins inexplorés de nos placards... (Je passe sur les BD jeunesse nonchalamment installées dans la chambre des enfants, car c'est pour eux... plus tard...   )

Mes daubes sont surtout des déceptions, des acquisitions hasardeuses ou impulsives ou le fruit de l'évolution de mon goût. Bref, des bandes dessinées que je ne relirai pas. Une partie d'entre elles finit désormais sur les sites de vente en ligne (Vinted ou Leboncoin pour ne pas les citer) : l'idée est plus d'arriver à faire un jeu à somme nulle ou de ne pas trop perdre que de faire du bénéfice dessus. Ça part plus ou moins vite, ou pas du tout (et dans ce cas c'est direction l'une des boîtes à livres les plus proches de chez moi).

Pour ma part, je n'essaie même pas de vendre ces BD que je n'aime plus, et qui ne sont bien sûr plus au goût du jour. Donc je les donne ! L'année passée, je les donnais à un brocanteur mais il les vend hélas très difficilement. Il y a de moins en moins en moins de gens intéressés par les occases. La nouvelle génération veut du neuf. Je les dépose donc maintenant dans une cabine téléphonique, transformée en dépôt de livre. Et à cet endroit-là, les BD disparaissent très vite.  

Mais continuons avec "mes daubes". Je vais peut être choquer quelques personnes aujourd'hui et il ne faut bien sûr pas hésiter à me répondre.  

La bande dessinée classique occupe bien sûr une grande place dans mes bibliothèques et on y trouve inévitablement un certain nombre de daubes. Je les désignerai sous le nom de daubes classiques.

Un des meilleurs exemples de ce genre de daube, ce sont les Petits Hommes dessinés par Seron. La série est relativement bien dessinée et pas trop mal racontée. C'est en fait une BD qui a acquis plus ou moins le statut "d'œuvre classique", avec le temps, mais je n'ai jamais pu y trouver le moindre intérêt. Remarquons d'ailleurs que acheté pendant plus de 20 ans le journal Spirou et que ceci m'a donné beaucoup de temps pour me familiariser avec la série mais ... voilà, cela ne crochait pas ! Et finalement, je ne lisais même pas les pages de Seron dans ce journal.  

Vous me direz qu'il faut vraiment être ballot pour acheter des albums dans une situation pareille ... mais je l'ai fait ! C'était à une époque où j'aimais bien acheter les vieux albums Dupuis à dos rond, en occase, lorsqu'ils n'étaient pas trop abimés. Et puis, il y a une trentaine d'années, j'avais encore l'illusion que j'arriverai un jour à apprécier cette série. J'ai donc lu les rares albums que j'ai achetés, et ... je n'y ai trouvé aucun plaisir !  



Plus tard, j'ai lu quelques propos négatifs (par exemple dans le livre d'entretiens de Franquin) qui discréditaient complètement Seron, considéré comme un copieur, et j'en ai déduit que j'avais eu raison de dédaigner les Petits Hommes. Et c'est ainsi que même la sortie d'une superbe intégrale Dupuis, intelligemment préfacée et commentée, n'a pas réussi depuis lors à me faire changer d'avis. Les Petits Hommes sont irrécupérables.

Mais pour le moment, j'ai quand même gardé mes albums. Il est vrai qu'il y en a très peu, et qu'il ne prennent pas une grande place.

Moi, quand je vais en librairie, je vois que des daubes. Donc, je n'achète pratiquement plus de bd alors que j'en achetais 2 -3 par semaine. Donc je relis beaucoup et suis très content de mes choix de ces dernières décennies !

Hum ! J'imagine que tu achètes quand même les nouveautés de l'univers de Jacques Martin ? Et puis il y a certainement quelques séries que tu apprécies particulièrement, dont tu achètes de temps en temps les albums ?

Vraiment, j'en achète très très peu. En 2023, j'ai acheté 3 bd: Alix, Le convoyeur de Venanzi qui m'a plu et l'excellent bouquin de Albertini . Je suis allé faire un tour ce matin à la Fnac mais , comme depuis quelques temps, il n'y a rien qui m'attire dans les nouveautés. Par contre, je peux découvrir des bd sorties il y a bien longtemps et qui m'intéressent. Je pense à Silence de Comes notamment et bien sûr, les séries que suis depuis plusieurs années ( Léo, Krahen etc...)

Evidemment, quand on achète peu de BD, il y a peu de risque d'acheter des daubes.  

stephane a écrit:Vraiment, j'en achète très très peu. En 2023, j'ai acheté 3 bd: Alix, Le convoyeur de Venanzi qui m'a plu et l'excellent bouquin de Albertini . Je suis allé faire un tour ce matin à la Fnac mais , comme depuis quelques temps, il n'y a rien qui m'attire dans les nouveautés. Par contre, je peux découvrir des bd sorties il y a bien longtemps et qui m'intéressent. Je pense à Silence de Comes notamment et bien sûr, les séries que suis depuis plusieurs années ( Léo, Krahen etc...)

Tu veux dire "Le Dépisteur" de Venanzi paru en mars chez Glénat et le récit sur Francesco Carletti par Albertini paru en avril

https://www.canalbd.net/canal-bd_catalogue_serie_Le-Depisteur--Albums
https://www.canalbd.net/canal-bd_catalogue_serie_Carletti-Un-Voyageur-Moderne--Albums

Raymond a écrit:C'était à une époque où j'aimais bien acheter les vieux albums Dupuis à dos rond, en occase, lorsqu'ils n'étaient pas trop abimés. [...]
Mais pour le moment, j'ai quand même gardé mes albums. Il est vrai qu'il y en a très peu, et qu'il ne prennent pas une grande place.

Pour le coup, aujourd'hui, les dos ronds sont de façon générale recherchés et bien, voire très bien côtés sur le marché de l'occasion, quelle que soit la série.

stephane a écrit:Moi, quand je vais en librairie, je vois que des daubes. Donc, je n'achète pratiquement plus de bd alors que j'en achetais 2 -3 par semaine. Donc je relis beaucoup et suis très content de mes choix de ces dernières décennies !

Pas faux. 90% de mes achats portent sur de vieilles séries, en rattrapage. La dernière vraie daube que j'aie achetée, sauf erreur, c'était du nouveau et c'était Spirou et Fantasio chez les Soviets.

Le temps peut d'également parfois transformer des lectures plaisantes au premier abord en daubes... Comme une sauce qui tourne, pour filer la métaphore gastronomique. C'est ce qui est en train d'arriver (en ce qui me concerne) au Blueberry de Sfar et Blain, que je commence à trouver inepte, en dépit de quelques cases intéressantes, ou au Spirou d'Abitan, Guerrive et Schwartz... encore sauvé par le dessin.

Je suis comme Stéphane : je me cantonne désormais aux personnages de l'univers de Jacques Martin, qui se limitent pratiquement à Alix et Lefranc, puisque Jhen se fait de plus en plus rare et que les autres ont disparu.

Je n'ai fait exception, ces derniers temps, que pour "Le grizzli", très plaisant, et "Huit heures à Berlin", plutôt décevant.

Le reste, à mon idée, ne vaut pas tripette et il est très difficile, par chez moi, de trouver des occasions qui en valent la peine ( intérêt, bon état et coût ).

Merci de vos commentaires ! A vous entendre, vous ne possédez aucune daube !  

Pour ma part, je continue avec un autre genre de BD qui est bien fréquente dans ma collection et que j'appellerai par commodité la daube historique. Il ne s'agit pas forcément de bandes dessinées historiques médiocres, mais plutôt d'œuvres qui ont parfois mal vieilli mais qui appartiennent à l'Histoire de la Neuvième Art. Et ainsi, leur intérêt n'est pas d'être lues naïvement au premier degré, mais plutôt d'y trouver les raretés de certains dessinateurs célèbres ou de découvrir les caractéristiques de certaines BD au fil du temps. Leur mission n'est pas nécessairement celle de divertir

Je possède ainsi plusieurs reliures du journal hebdomadaire Nano et Nanette, qui datent du début des années 60 et qui possèdent toutes les caractéristiques d'une daube. Ces bandes dessinées sont en effet naïves, moralistes, destinées aux enfants et sans grande surprise ! Tout cela pourrait paraître rédhibitoire mais on y trouve quand même d'excellents dessinateurs, qui appartiennent à l'Histoire de la bande dessinée française. Ces trésors cachés méritent que l'on s'y intéresse.  



C'est ainsi que l'on trouve dans ce journal les toutes dernières planches d'Etienne Le Rallic, un dessinateur qui est très apprécié des collectionneurs. Au début des années 60, il était à la fin de sa vie et je suppose qu'il était touché par des problèmes de santé car on découvre des maladresses dans son dessin qui sont très inhabituelles pour lui. Je suppose qu'il s'agit d'un problème de malvoyance car le tout dernier album de Jacques Martin présente un peu les mêmes défauts.



René Giffey est également présent dans ce journal et il était lui aussi en fin de carrière. Son dessin discret et efficace est un peu moins grâcieux que celui de ses grandes années mais cela fait plaisir de le revoir.



Et puis on trouve aussi dans cette reliure l'amusant Erik avec Tribacil et Bisulfite, l'Orpheline du Far West (le titre est déjà tout un programme) qui était dessinée par Gloesner, l'Etroit Mousquetaire de Trubert et diverses BD anglaises d'un niveau assez honorable. Et enfin il y a cette délicieuse série de Claude Martin qui s'intitule Fanfan et qui a déjà été montrée dans notre forum, dans le sujet dédié à ce sympathique dessinateur.



Certes, la lecture de tout cela au premier degré peut faire aujourd'hui rigoler mais l'intérêt historique, l'aspect nostalgique et la valeur de collection de ces œuvres me parait tout de même évident, Je ne m'en séparerai donc pour rien au monde.

On peut ainsi être très attaché aux daubes qui se trouvent dans nos bibliothèques !  

Raymond, dans ta collection, as tu tout lu?
Relis tu certains livres ?

Excellente question !  

il y a bien sûr quelques gros intégrales (comme par exemple le deuxième tome de l'intégrale de Zap) où je n'ai pas tout lu. Et puis quand je n'aime pas une BD, j'ai tendance à écourter et à lire en diagonales. Donc je n'ai pas lu tous mes albums à 100% mais ... quand même, j'ai l'habitude de lire ce que j'achète. On pourrait donc dire que j'ai lu 95% de mes albums, et que le reste a été rapidement parcouru.

Le pourcentage de mes lectures est certainement moins bon dans les journaux. J'ai déjà reconnu ci-dessus que je ne lisais pas forcément tout dans le journal Spirou, et il n'y a pas eu que les Petits Hommes que j'ai dédaignés. il en a été de même avec certaines BD du journal Tintin et dans les journaux mensuels des années 70 et 80. Puis plus tard, quand j'ai acheté des reliures de journaux comme Vaillant, Coq Hardi ou l'Intrépide (ou Nano et Nanette), je n'ai pas tout lu non plus. Je me focalisais sur les séries qui m'intéressaient le plus. Alors, disons que j'ai lu entre 60 et 70 % ce qu'il y a dans mes journaux.  

Quant aux relectures, j'en fais assez peu car il y a une masse de nouveautés chaque semaine et j'ai en permanence une pile d'albums de BD (ou de livres tout simplement) à lire à côté de mon fauteuil. Il faut bien faire des choix. Mais j'ai eu le plaisir de relire certaines choses pendant la période Covid, quand tout fonctionnait au ralenti. Il est clair que certaines BD sont presque meilleures au moment de la relecture, mais je n'ai bien souvent pas le temps.  

Même les classiques ?

Oui, même les classiques ! On peut cependant noter que j'ai pas mal relu les Alix au fil des discussions du forum, ainsi que d'autres séries (Buck Danny, Astérix, Johan et Pirlouit, Lucky Luke etc.) lorsqu'elles sont parues en intégrale ou en album de luxe.

Continuons avec mes daubes, pour parler cette fois d'un autre type d'album que j'apprécie envers et contre tout, la daube vintage.  

Connaissez vous les Labourdet ? Peut-être bien que oui car j'en ai déjà parlé dans le temps dans le sujet dédié à Jean Graton. C'est l'histoire d'une famille française tout a fait ordinaire, dont  les membres sont tous honnêtes, naïfs et travailleurs. Ces français moyens vont avec courage et bonne volonté faire leur chemin dans la société française des années 60, et parvenir à leurs buts grâce à leurs vertus et leur obstination. Eh oui ! Et quand j'analyse un peu l'idéal de ces BD, il me parait bien évident qu'elles sont d'une ringardise stupéfiante. Les scénarios de ces "romans photos" étaient en fait écrits par Francine Graton (la troisième épouse de Jean) et c'est sans doute elle qui a apporté à cette série le regard un peu fleur bleue de la ménagère française, ainsi que ce ton assez convenu de la bourgeoisie du 20ème siècle, qui fait revivre avec exactitude l'ambiance de "la France d'en bas" pendant les "Trente Glorieuses".



Quand j'y pense, je détestais à l'époque cette ambiance moraliste des années 60, cette docilité devant les volontés de la nation et surtout cette intolérance à tout ce qui pouvait être ressenti comme déviant. Je trouvais cette ambiance vraiment déprimante mais aujourd'hui ... je me délecte de retrouver tous ces petits détails authentiques qui pesaient sur la vie quotidienne des gens. Ces albums ressuscitent en fait (presque miraculeusement) une époque révolue. On était certes très bêtes pendant les années 60 mais ... au fond ... je trouve que l'on est encore plus bêtes aujourd'hui. Vive les années 60 ! 



Relevons au passage que je possède les éditions originales des premiers albums et que je les préfère infiniment aux rééditions des années 2000, dont le format des images est un peu plus réduit et dont les couleurs sont un peu plus ternes.

Bref ! C'est bien de la daube, il n'y a aucun doute, mais vous avez compris que cette série est aussi une magnifique Madeleine de Proust. il est donc exclu de s'en séparer !  

Pendant qu'on y est, parlons brièvement d'une petite variante de la "daube historique" que j'appellerai la daube de concours.  

"Quelle est votre plus vieil album ?", Telle est la question qui fût posée il y a quelques années à tous membres du forum Pimpf, un site que j'aime visiter de temps en temps . C'était en fait une question que je ne m'étais jamais posée. Je croyais à priori que ce serait mon vieux livre sur la Famille Fenouillard, ou alors les vieux albums Mickey publiés chez Hachette pendant les années 30, mais je suis finalement tombé sur une BD totalement inconnue, datant de 1930 et publiée par Gautier-Languerau. Elle s'intitule le Cirque Robert et elle a été dessinée au début du XXème siècle par Henry Morin, un auteur dont je ne sais pas grand chose.



J'avais acheté ce livre pour trois fois rien à la fin du XXème siècle, dans un marché aux puces, et c'était tellement soporifique je n'ai jamais réussi à lire cet album en entier. Cette BD était destinée aux jeunes filles et son style graphique se rapprochait en fait de celui des aventures de Bécassine.



C'est totalement de la daube, bien sûr, mais c'est aussi un album record. Et comme c'est le plus ancien de mes livres, je n'ai pas envie de m'en séparer.  

Tous les prétextes sont bons pour garder une vieille BD !    

Et puisque l'on parle des daubes de concours, allons encore plus loin ! J'ai en effet possédé pendant ma jeunesse la  "daube des daubes", autrement dit la BD la plus nulle et la plus creuse que l'on puisse imaginer. Appelons-là la daube du siècle ! Elle mérite totalement un tel titre.

Cette BD a été créée en 1969 par Jean Yanne (scénario) et Tito Topin (dessin) et je soupçonne que ces deux malfrats ont délibérément cherché à se moquer du monde. L'album s'intitule La mangouste ne passera pas et il a été publié chez Casterman.



Intitulée les Dossiers du B.I.D.E,, cette série (il y a eu en effet deux albums) parodiait assez vulgairement les histoires à la James Bond, ces aventures à suspense dans lesquelles une équipe de héros doit sauver le monde d'une menace imprévue. J'avais trouvé cet album au marché aux puces en 1971 ou 1972 (je ne sais plus très bien), et cette histoire pleine de dérision était en fait tout simplement dérisoire. Elle n'était ni drôle ni réussie car le dessin était mou et relâché tandis que le scénario était inconsistant. Les auteurs ne s'étaient manifestement pas donné trop de peine pour faire cette BD et j'étais atterré par une telle bêtise.



Quand j'y pense, en sachant aujourd'hui de quoi était capable Jean Yanne, je ne serais pas étonné qu'il se soit dit : "je vais faire la plus mauvaise BD du monde". Il était tout a fait du genre à se lancer dans un tel projet, et à l'amener au pire qu'il soit possible d'imaginer.  

Je ne l'ai sinon pas gardé très longtemps, car ce n'est pas un album que l'on est heureux de posséder. Lorsque j'ai déménagé vers le canton de Vaud, au milieu des années 70, et qu'il m'a fallu me débarrasser d'un certain nombre de vieilleries inutiles, c'est bien sûr la première BD dont je me suis débarrassé. Elle a été accompagnée par tout un tas de vieux journaux (dont Spirou et Mickey) qui prenaient trop de place et que j'ai jetés avec bien plus de tristesse. J'ai d'ailleurs ardemment essayé de les retrouver quelques décennies plus tard.

Mais l'histoire n'est pas finie ! Figurez-vous que cette BD a été rééditée pendant les années 2000 !  Je n'y croyais pas. Elle était même présentée comme une des premières BD pour adultes et Casterman l'a publiée sous la forme d'une intégrale. Depuis, je n'arrive plus vraiment à prendre cet éditeur au sérieux.

La vérité se retrouve finalement dans le monde des financiers. Lorsque j'ai regardé dans la bedetheque la page consacrée aux "Dossiers du B.I.D.E", j'ai pu constater que les deux albums ne sont pas cotés. Il en est de même dans le BDM et je ne suis donc pas le seul à dénigrer cette parodie de BD. Les collectionneurs ont presque toujours le dernier mot.

Un sujet très intéressant, Raymond. J'abonde dans ton sens sur Les Petits Hommes, qui jadis m'attiraient l'oeil par le dessin, mais dont les extraits dans les magazines me déçurent, m'évitant d'acheter cette daube en albums. Est-ce que j'en possède ? Question restant ouverte, car la catégorie frise celle des "péchés mignons" et des "plaisirs coupables"... De plus mes quelques centaines de mangas concurrencent le même nombre probable de BD .... Comme mes murs d'appartement ne sont pas extensibles, je décime souvent mes rayonnages (je fais pas mal d'achats). Mon critère est celui de Clovis Sangrail : "relirai-je un jour cet album ou cette série ??" Et si la réponse est clairement "non", j'élimine. La plupart du temps je mets la daube dans une Cabane à Livres, car chaque bouquin ne rapporte plus que quelques centimes chez les soldeurs du Quartier Latin, tout comme les DVD.
En BD, j'ai une daube évidente (ou "plaisir coupable", ou "péché mignon" ? ), 8 albums de la série Les Blondes de Gaby et Dzack. Une fille blonde au balcon bien fourni et aux jupes très courtes connaît bien des mésaventures étant donné les très minuscules dimensions de son cerveau dont le contenu semble être descendu au buste... C'est parfois hilarant, parfois faiblard. Pour l'instant, je garde encore. Côté mangas,  il arrive qu'une intéressante série de 18 tomes rate un peu sa fin, par exemple XXX Holic, du groupe féminin Clamp, et j'ai éliminé ce qui suit le tome 14, qui peut "faire une fin". Yotsuba !, de Kiyohiko Azuma, aventurettes d'une gamine de 6 ans élevée par son père qui travaille à domicile sur ordi, est amusant et fournit une bonne tranche de vie japonaise typique, mais après le tome 4 je l'ai trouvé un peu répétitif. Or le grand succès lui a fait approcher les 20 tomes. J'ai donc gagné de la place. Je reparlerai de quelques cas, surtout en BD, le sujet me plaît bien !
Au fait, Raymond, Tito Topin par quelques illustrations a les honneurs des pages "Pop art et art psychédélique 1963 / 1983" de ma photothèque, il en est typique, et j'ai dû lire ou feuilleter jadis "La mangouste ne passera pas". Bien sûr ce n'est qu'une pochade, comme on dit, à la Jean Yanne !

Merci de tes commentaires !

Concernant les mangas, il y a bien quelques vieux albums qui trainent au grenier, comme Asatte Dance ou Video Girl Aï, mais je n'oserai pas dire sans autre qu'il s'agit de daubes. Ce sont surtout des albums trouvés en occasion il y a très longtemps (pour trois fois rien) et donc des séries dont je n'ai pas lu la fin. Du coup, elles n'ont pas grand intérêt dans mes souvenirs mais peut-être est-ce meilleur que je ne crois.

Les "BD de genre" (policier, SF, humour, histoire ou western) ont souvent une vocation commerciale. Elles présentent ainsi un gros risque d'être de futures daubes et je vais passer tout cela en revue pendant quelques jours, afin d'étoffer un peu le sujet !  

Reparlons donc de la daube historique ! Comme c'est le genre de bandes dessinées que je préfère, j'en ai bien sûr beaucoup achetées et .... je ne manque pas de daubes dans ce domaine là !

Je me souviens par exemple de Corian. une BD qui se passait dans l'Egypte ancienne ! Cette série était manifestement dessinée par un élève de Craenhals car on y retrouvait des visages assez typiques de ce grand auteur. C'était sinon plus que correct sur le plan graphique mais le récit n'était vraiment pas passionnant. C'est d'ailleurs un défaut assez fréquent avec les BD de débutants.



Je n'avais pas de grand reproche à faire à cet album mais il a très logiquement  sombré dans l'oubli le plus total. Je m'en suis finalement débarrassé dans une cabine téléphonique l'automne passée, tout simplement pour faire de la place, et c'est pour cette raison que cette série m'est revenue en tête. Je ne crois pas que son auteur ait fait une grande carrière dans la BD par la suite, car il faut être très bon pour faire carrière actuellement.

Ceci dit, cette BD semble tout de même avoir des admirateurs puisqu'elle a son propre sujet dans le forum !  

Comme j'achète peu de BD humoristiques, je possède bien sûr moins de daubes dans ce domaine-là.    

Ceci-dit, j'ai regardé la liste des albums qui végètent dans mon grenier et j'ai réalisé qu'on y trouve un album de la série les Profs.  



Hum ! Les produits Bamboo n'appartiennent vraiment pas à la catégorie du haut de gamme ! Toutefois, cela doit faire bien plus de 20 ans que j'ai acheté cet album et à l'époque, j'avais probablement fait un simple essai. "pour voir". Le fait que l'album soit parti rapidement au grenier est assez révélateur du peu d'intérêt qu'il avait suscité.

Mais il faut hélas l'avouer, je possède des daubes qui appartiennent vraiment à tous les domaines.  

Raymond a écrit:Comme j'achète peu de BD humoristiques, je possède bien sûr moins de daubes dans ce domaine-là.    

Ceci-dit, j'ai regardé la liste des albums qui végètent dans mon grenier et j'ai réalisé qu'on y trouve un album de la série les Profs.  

Oui, ça méritait sans doute le grenier ! J'en ai feuilleté sans être vraiment amusé.
Dans le genre humoristique, j'aime bien les albums Lucky Luke et en possède 19, tous de Morris et Goscinny, excepté Le Daily Star, de Fauche et Léturgie, que j'ai trouvé digne de rejoindre la saga classique. Mais j'ai traité en daube et expulsé ceux que j'achetais pour mon neveu et ma nièce : ceux avec les Dalton ou avec Rantanplan. Visuellement, le noir et jaune quatuor décalé du plus grand au plus petit était une brillante invention, mais trop de gags tournaient autour du stupide Averell ; idem avec Rantanplan. Les imbéciles ne me font pas rire, ils suscitent en moi un sentiment différent, une sorte de consternation (alors que Goscinny adorait leur conviction de bon sens, leurs certitudes.)