Raymond a écrit:Félicitations ! Tu as du goût !
Ce livre figure depuis longtemps dans ma bibliothèque, à côté de ma collection de BD de Peyo, et il est de grande qualité.
Pierre Sterckx était un critique d'art et il avait fait connaissance avec Hergé dans une galerie pendant les années 60. Il avait initié le père de Tintin aux charmes de la peinture moderne non figurative et ils sont ensuite restés dans une relation assez proche jusqu'à la mort d'Hergé. Sterckx a publié plusieurs ouvrages critiques intéressants sur Tintin (ainsi que sur d'autres sujets) et c'est un critique de grande classe, dont les écrits sont à la fois fluides et intelligents.
Oui Raymond, lors de l'expo Hergé au Grand Palais il y a bien 8 ans, au pif, j'ai vu les essais de peinture "d'art muséal" d'Hergé, peu convaincants à mon sens car influencés par celui-ci ou celui-là. Franquin avait tenté aussi. Autant leur intérêt était normal ("Pourquoi pas moi au fait ?") autant à mon sens ils ne savaient pas leur supériorité, tel est mon avis. Ils les surclassent largement de nos jours aux enchères !
J'ai lu le livre
Peyo : la vie et l'oeuvre, passionnant, bien d'accord ! Sa mort le 24 décembre 1992 est une des choses qui me bouleversent : d'abord, à 64 ans... la moyenne d'âge de décès masculin en Europe de l'Ouest lui accorderait aujourd'hui 16 ans de plus. Puis la date ! Quel Noël pour la famille !
Les analyses de Pierre Serckx valent d'être lues. Seul bémol : j'aurais aimé que Johan soit un peu plus creusé en son éthique ; mais c'est brillant pour Pirlouit et pour les Schtroumpfs ! Il le confirme : Peyo comme Hergé doit beaucoup aux "bons pères" catholiques (et au scoutisme afférent). A Bruxelles l'an dernier j'ai longuement bavardé avec un jeune libraire très bon connaisseur à qui j'ai posé la question : "Mais enfin, d'où est sortie cette étonnante créativité de la BD en Belgique ??" Il m'a répondu : "Du mécénat de l'Eglise". Selon lui, après 1945 et même avant, les puissantes structures catholiques des très anciens "Pays-Bas Espagnols" ne perdaient pas de vue la jeunesse et refusaient de laisser celle-ci à l'influence communiste comme en France où elle était dominante par "Pif" et "Vaillant" en réaction à Pétain, grand soutien des catholiques. Aussi de jeunes auteurs et dessinateurs ont trouvé aisément du travail dans ces structures très ouvertes, tels Peyo, Morris, Franquin, Eddy Paape, et ont pu acquérir expérience, aisance, talent, boostés par l'influence des BD Disney (mal vues en France vers 1950 : j'ai des textes !). Puis les journaux "Spirou" et "Tintin" ont pris le relais jusqu'à la fin des années 60.
Pierre Serckx m'a fait réaliser (je n'y avais jamais pensé !) que les Schtroumpfs sont des sortes de champignons : ils vivent dans un village-champignonnière et leur bonnet blanc (qu'ils n'ôtent jamais, même pour dormir
) est une de leurs excroissances, comme leur petite queue. ; malgré la Schtroumpfette (a t-elle une queue ? la robe la masque !), ils ne se reproduisent pas par coït biologique : le Bébé Schtroumpf surgit sans père, il ne manque qu'un rhizome. L'auteur signale aussi que cette tribu est et reste à un niveau technique médiéval et artisanal : pas de progrès technique chez eux, ce n'est que cueillette, agriculture, construction de ponts en rondins à la hache. En un sens ils vivent, dirais-je, dans un monde pré-capitaliste, pré-industriel honoré par Karl Marx ( et les écologistes radicaux, mais qui connaît le paradigme de l'aiguille ?), et pas du tout dans celui de Lénine et Staline les technocrates. En fait bien sûr Peyo pensait plutôt à son cher Moyen-Âge, une de ses grandes passions, et le Grand Schtroumpf (comme nous le rappelle Pierre Sterckx) semblable au débonnaire Roi de Johan et Pirlouit, a tout d'un "bon père" bienveillant et rien d'un dictateur.
Superbe livre, richement illustré !