Je me disais bien que l'on oubliait quelque chose, dans le forum !
On ne parlait pas du nouveau Murena qui était sorti depuis plus d'une semaine et qui s'intitule
Lemuria.
C'est le 11ème chapitre d'une immense roman graphique raconté par Jean Dufaux, une sorte de remake amélioré de "Quo vadis" pourrait-on dire, et j'insiste là-dessus car la lecture des albums isolés est parfois un peu décevante. Il faudrait à chaque fois reprendre toute l'histoire depuis le début et j'en ai rarement le courage. En fait, je ferai certainement cet effort lorsqu'on arrivera au bout de la série (qui devrait faire 16 albums si je ne me trompe), mais entre deux, je me contente de picorer les nouveautés que me propose le scénariste, sans me lancer dans de grands travaux.
Et donc,
Lemuria se présente comme un album un peu intermédiaire, dans lequel Murena essaie de se libérer de l'emprise d'une femme redoutable (la bien-nommée Lemuria). Sur le plan historique, on y découvre aussi les débuts de la fameuse conspiration de Pison, une entreprise qui fût par la suite férocement châtiée par l'empereur Néron. C'est une mise en place qui n'est pas encore très palpitante. On sent que le scénariste lance de nouvelles trames, mais l'album ne va pas jusqu'au bout de l'intrigue et on aimerait en connaître la suite. Il va falloir malheureusement attendre 1 an et c'est l'ennui principal avec cette série qui avance assez lentement.
Un des aspects les plus intéressants de Murena est le portrait que Jean Dufaux fait de l'empereur Néron. Il épouse manifestement l'hypothèse très moderne que l'empereur était un despote éclairé et que ses fameuses frasques sont en grande partie des calomnies propagées par des historiens malveillants (voulant probablement se venger de certaines exécutions de notables romains, consécutives entre autres à la conspiration de Pison). C'est au fond une théorie comme une autre et le scénariste s'applique en conséquence à nous présenter les portraits ambigus de certains personnages historiques controversés. Néron y apparait ainsi sous un aspect bien différent, et il n'est plus du tout le despote grotesque que nous avait montré le film "Quo Vadis".
En revanche, Dufaux reprend avec complaisance la vision traditionnelle d'un Empire Romain immoral et décadent, dont les dirigeants s'adonnent au stupre et à la luxure. Cela lui permet de pimenter son récit avec de l'érotisme et de la violence, et c'est bien sûr son droit. Jacques Martin avait d'ailleurs lui aussi montré dans le "Fils de Spartacus" les excès d'une noblesse dépravée. C'est un peu un cliché, à mon avis, mais ce monde a tout de même réellement existé.
Sinon, de nouveaux personnages intéressants apparaissent dans ce onzième chapitre. Il y a par exemple cette étrange et redoutable gladiatrice qui semble appelée à jouer un rôle important dans la série, et qui est une autre trouvaille scénaristique originale. Néron attire vers lui les personnages extrêmes et on peut être certain que cette belle rencontre aura lieu.
Et voilà comment se présente ce nouvel opus des "chroniques néroniennes" de Jean Dufaux, à la fois partiel et inattendu. Le dessinateur Théo y développe sans complexe son propre style, sans chercher à imiter stérilement le regretté Philippe Delaby, et la série reste très belle avec ses images chaudes et expressives. Le récit se rapproche sinon gentiment de sa conclusion et il sera intéressant de découvrir dès lors Néron dans un rôle plus sanguinaire, puisque c'est bien l'empereur qui est la vedette de cette grande BD historique et vénéneuse. On connait en fait la fin de l'histoire, mais je me demande tout de même comment Dufaux va la raconter ? Le suspense va bientôt devenir intolérable !