Pour ma part, c'est une lecture que j'ai appréciée mais à laquelle je ne reviendrai pas. Principalement la faute à Floc'h, par rapport au dessin duquel je suis resté très hermétique. Ce qui, j'en conviens, n'était guère amélioré par l'ego dont il témoignait dans son interview au Point, où il laissait très largement entendre que son génie écrasait presque tout ce qui avait été fait avant lui dans l'univers de Blake et Mortimer.
Sauf que son trait épais et ses grands aplats de couleur qui détruisent toute perspective délestent chaque case de sa part de mystère et que plus rien n'apparaît vivant. Là où un Juillard compense sa rigidité par une foule de détails joyeusement référencée, là où Aubin insuffle à ses personnages une vie incroyable et crée une monde foisonnant dans lequel on se repère tout-à-fait, là où van Dongen et Berserik rendaient ses lettres de noblesse à la ligne claire, Floc'h nous propose un aspect "pop art" qui ne laisse aucune place à l'imagination du lecteur, qui rigidifie tout sans qu'on ne décèle une quelconque étincelle vitale là-dedans. C'est froid et désincarné, sans être laid. Si les fonds verts n'étaient pas utilisés qu'au cinéma, je dirais qu'ils sont très voyants ici !
Mais à part ça, le scénario est très correct. Si on oublie là encore les jugements de valeur prétentieux de Floc'h sur les récits écrits par ses prédécesseurs,
L'Art de la guerre témoigne d'un récit qui se suit avec intérêt et plaisir, même si on n'égale pas le (à mon avis) génial
Huit heures à Berlin des mêmes auteurs.
Quelques raccourcis narratifs et simplifications géopolitiques joyeusement outrancières (qui peuvent - au moins en partie - se justifier par le recours au pastiche des années 60) n'entravent pas trop une intrigue à la fois jacobsienne et hitchcockienne qu'on aurait aimé voir un peu plus développée, mais qui remplit complètement nos attentes.
Mais voilà, le dessin de Floc'h aplatit toutes les péripéties, au lieu de leur donner le relief qu'elle méritait, ce qui fait qu'aucune scène en particulier ne ressort à mes yeux de ce qui reste un bon récit, pro et bien conçu, mais d'où ne se dégage aucune passion.
Bref, une bonne lecture, mais pas une lecture que je referai. Cela reste à mon avis un peu supérieur au
Dernier Pharaon, mais en tous cas, aucun des deux hors-série
Blake et Mortimer existant aujourd'hui ne justifie pleinement son existence, je trouve.
Si je devais noter, on serait probablement autour de 3/5.