Raymond a écrit:Il y a une autre bizarrerie à relever : c'est la conquête de Khorsabad par le général Marsalla. Comme le récit débute quelques semaines après la bataille de Carrhes, au moment de l'entrevue entre Suréna et Crassus, j'imagine mal qu'un général romain ait poursuivi le siège d'une ville en territoire ennemi alors que l'armée principale était en train de faire retraite.
Faudra t-il un jour apporter quelques corrections à
Alix l'intrépide ?
J'abonde dans ton sens, Raymond. Je ne possède de carte routière que de la Syrie, or Khorsabad est dans le nord de l'Irak dans le 43e méridien (Harran/Carrae est dans le 39e). J'évalue donc, à la grosse louche et au pif la distance entre les deux... à vol d'oiseau : 500 km. Dans C'ETAIT A KHORSABAD que je viens de relire, Martin confirme mon hypothèse : Alix est parti d'un affluent de l'Euphrate, pour en marchant vers l'Est rejoindre le bassin du Tigre et descendre ce fleuve jus'aux alentours de Mossoul (Dur-Sharrukin serait à 15 km plus à l'Est de Mossoul).
Reste que Alix n'a sûrement pas été en ligne droite. Je saluerais la performance du gamin ! mais Jacques Martin, à l'époque, ne possédait probablement pas de carte routière et a dû s'inspirer d'une de ces cartes grossières que l'on trouve dans les bouquins d'histoire. Je rappelle en outre le caractère bâclé d'une BD conçue dans l'urgence (faire du palais de Sargon II, abandonné depuis près de 700 ans, une
ville emportée d'assaut par les Romains est une autre aproximation).
A ce propos, je salue également le raisonnement de Jacky-Charles sur les compétences d'Alix en matière d'escrime et d'équitation comme fils d'un noble Eduen. C'est vrai que dans son milieu social, on apprend ces choses-là dès le plus jeune âge. Mais c'est vrai aussi qu'un héros de BD se doit de savoir tout faire, notamment ces choses-là (ou il change de métier !). On savait que Bob Morane a piloté des "Spitfire", de vieux bahuts primitifs de la WWII, mais qu'il était aussi capable - au pied levé - de piloter des fusées spatiales et de maîtriser la technologie muviane (s'cusez du peu) dans LES TOURS DE CRISTAL. S'il en avait été autrement, il n'y aurait pas eu d'histoire.
Et maintenant Marsalla, le fictionnel légat de Crassus (décalqué sur le Messala de BEN HUR)!
Mais qu'allait-il donc foutre à Khorsabad avec toute sa légion, sur les talons d'Alix? D'autant qu'en marchant dans cette direction il s'enfonçait dans l'Empire parthe et rompait ses lignes de communication avec son patron Crassus.
La seule raison de sa présence à Khorsabad serait que JM avait dû lire quelque chose sur les fouilles archéologiques françaises de Khorsabad par Paul-Emile Botta (en 1840-1850) (dont quelques
Kerubs sont au Louvre), d'où l'imagination qu'un trésor s'y trouverait encore
("Indiana Jones, sors de ce corps !"). C'aurait été dans la logique de Crassus, d'envoyer piller à droite et à gauche, comme il l'a fait à Jérusalem et à Samarie... au lieu d'aguerrir ses troupes. Mais pour autant, se sépara-t-il de toute une légion alors que ses perfides alliés orientaux l'avaient trahi ? Crassus était peut-être cupide, mais pas idiot. N'oublions pas que pendant la guerre civile il avait été un légat de Sylla [tout comme le jeune Pompée], et qu'il avait ensuite vaincu Spartacus au prix d'une énergique reprise en main de ses légions (décimation). Avant Crassus, c'étaient toujours les Romains qui dérouillaient - il faut dire que les meilleures troupes combattaient alors en Orient, comme le suggère Harmand.
Ce qui m'amuse, justement, c'est l'idée d'une expédition romaine vers l'Est, vers l'Empire parthe... Martin eut-il la prescience d'une hypothétique troupe romaine en Asie centrale, qui deviendra mercenaire aux frontières de la Chine ? Ceci sept ans avant que le sinologue américain Homer Hasenpflug Dubs ne publie sur ce sujet (en 1955)...
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/la-legion-perdue-de-l-empire-du-milieu_497258.html
Bon, on sait que Marsalla et au moins une partie de son armée rentra à Rome pour continuer d'embêter Alix. Ma suggestion est des plus hasardeuses, mais pas plus qu'un scénar improvisé dans l'urgence.
Disons seulement, en guise de conclusion, que les démêlés de Rome avec les Parthes a vraiment bercé la genèse d'Alix, pas seulement Carrhae sur laquelle JM reviendra souvent (L'INTREPIDE, LES LEGIONS PERDUES, IORIX LE GRAND, C'ETAIT A KHORSABAD) mais aussi LA TIARE D'ORIBAL/LA TOUR DE BABEL. Comme quoi il n'y eut pas que Flaubert et Moloch !
Voilà quelques réflexions que m'inspire le beau travail de Jacky-Charles et que je tenais à partager avec vous.